Le chemin des larmes by Christian Laborie

Le chemin des larmes by Christian Laborie

Auteur:Christian Laborie [Laborie, Christian]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fiction
ISBN: 9782844942272
Éditeur: De Borée
Publié: 2004-09-30T22:00:00+00:00


XVIII

Soupçons

Ruben travaillait à la pose des rails depuis plusieurs mois. Il s’était vite intégré à sa brigade, composée essentiellement de jeunes Cévenols, comme lui cadets de familles paysannes, chassés de leurs mas par le manque de terre. Peu d’entre eux, cette fois, quittaient le chantier pour la saison estivale. Leur tâche était affaire de spécialistes, aussi le chef recruteur avait-il pris soin de les prévenir dès le début de leur engagement. Ruben avait reçu la même recommandation :

« Pas question de retourner à vos chèvres et à vos moutons à la belle saison ! D’autant que nous devons tenir le rythme pour être au viaduc dans les temps, au plus tard à l’automne prochain. »

Plus en amont, les milliers d’hommes engagés dans cette œuvre colossale s’affairaient de plus belle. Le tunnel d’Albespeyres venait d’être attaqué entre Villefort et Prévenchères. Le tronçon Brioude-Langeac était presque terminé ; seuls restaient à réaliser des travaux de superstructure et de parachèvement. Entre Villefort et La Levade, les équipes de terrassiers, de tunneliers et de charpentiers avaient rencontré quelques difficultés et les travaux avaient pris du retard. Le tunnel de La Bégude n’était pas tout à fait achevé ; plus de cent mètres restaient à percer et cinq cents mètres à voûter.

Dans les hameaux situés le long de la voie, la vie se trouvait parfois très bouleversée. Les habitants, pour la plupart, se méfiaient des ouvriers du chantier qu’ils assimilaient tous à des étrangers, même s’ils n’ignoraient pas que beaucoup étaient issus des vallées voisines. Il est vrai que les vieux Cévenols se sentaient soudain envahis par ces troupes d’Ardéchois, de Creusois, de Bretons, de Savoyards, quand ce n’étaient pas de Polonais et surtout d’Italiens. Ceux-ci n’étaient pas très bien appréciés. Excellents tailleurs de pierre, ils concurrençaient la main-d’œuvre locale ; or leur métier était de loin le mieux rémunéré. Toujours gais, rieurs et chanteurs impénitents, ils aimaient le vin, les filles et la gaudriole. Aussi n’avaient-ils pas bonne réputation chez les habitants du pays. S’ils mettaient beaucoup d’animation dans les cantines ou dans les auberges qu’ils fréquentaient, ils provoquaient parfois des rixes avec les autres ouvriers. En bon huguenot, Ruben se tenait éloigné de leurs écarts de comportement qu’il jugeait contraires aux bonnes mœurs. Il leur préférait la compagnie de ses amis cévenols, protestants comme lui, avec lesquels il pouvait parler patois sans devoir se méfier de ce qu’il disait.

Depuis l’accident de l’été, plusieurs autres incidents s’étaient produits sur le ballast. Aucun n’avait été aussi grave, mais les dégâts matériels et les réparations avaient entraîné du retard. Le chef de travaux, qui supervisait l’ensemble des équipes, commençait à soupçonner de la malveillance de la part de certains ouvriers. Il s’en était ouvert à Pierre Lambert :

« J’ai l’impression que depuis l’effondrement du ponceau, en juillet dernier, on fait tout pour ralentir les travaux.

— Avez-vous des preuves de ce que vous avancez, monsieur Dugas ?

— Les preuves matérielles ne manquent pas. Regardez vous-même. »

Victor Dugas tendit une liste au jeune ingénieur. Celui-ci lut à haute



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